C’est pour structurer et fédérer tous les engagements philanthropiques de la créatrice de la marque agnès b., ceux de son entreprise et ceux de la galerie du jour, qu’a été créé en 2009 le fonds de dotation agnès b. .
De fait, son chemin de vie a toujours prédisposé Agnès Troublé à l’échange et au partage. Sa famille, son mariage avec l’éditeur Christian Bourgois, ses rencontres avec des personnalités comme l’Abbé Pierre l’ont conduite à s’intéresser simultanément à l’écologie, aux artistes et aux questions de société. De son côté, l’entreprise qu’elle a créée voici quarante ans pour déployer sa marque de vêtements a toujours été attentive aux questions environnementales et soucieuse d’associer des artistes à la propre création de sa fondatrice. Quant à la galerie du jour, elle a toujours ajouté aux fonctions traditionnelles d’une galerie d’art l’aide à la création et à l’émergence de nouveaux artistes. Résultat, l’image de l’ensemble est restée quelque peu brouillée jusqu’à ce qu’il devienne évident qu’une structuration plus solide des multiples engagements philanthropiques des trois planètes de la galaxie agnès b. les renforcerait et les clarifierait. Tant vis à vis de l’extérieur qu’en interne. Ce qu’a permis le fonds de dotation.
Le choix de ne pas choisir
Engagement le moins connu, le mécénat social d’agnès.b est pourtant le plus important du fonds de dotation aujourd’hui, que ce soit par le nombre d’actions soutenues ou les sommes engagées financièrement. Des trois axes que sont l’environnement, la culture et la solidarité, cette dernière absorbe environ la moitié des capacités du fonds de dotation, contre 40% pour la culture.
@ Handicap international
Caractéristique de ce mécénat social, Agnès Troublé a choisi de ne pas choisir de cause spécifique à défendre. D’être présente quand il le faut, qu’il s’agisse d’une situation d’urgence ou d’actions à plus long terme. Choisi aussi de répondre aussi aux appels des personnes avec lesquelles elle noue des relations privilégiées au hasard de sa vie multiple. Proche de la fondation France Libertés créée par Danielle Mitterrand en 1986, Agnès Troublé fait aussi partie du cercle des parrains et amis de la fondation Abbé Pierre que le prêtre avait choisis pour poursuivre son action après sa disparition. « Nous sommes ainsi présents sur le terrain du mal logement, développe Sébastien Ruiz, secrétaire général du fonds de dotation agnès b., mais aussi dans de très nombreux autres secteurs comme l’accès à l’eau, la prévention du sida et d’autres maladies, l’éducation des jeunes, ou encore la crise des migrants depuis la fin de 2015».
Autre caractéristique du mécénat social d’agnès.b: le fonds de dotation travaille en France comme à l’étranger tout aussi bien avec des petites associations de quartiers qu’avec des grandes structures comme Médecins du monde, Médecins sans frontières, l’Unicef, … « Nous avons choisi d’être présents sur de nombreux sujets, explique encore Sébastien Ruiz, d’y consacrer des montants relativement modestes mais qui provoquent un effet d’entraînement auprès d’autres partenaires».
Tara
Férue de voile depuis toujours – son frère Bruno a été l’un des premiers finalistes français de la Coupe de l’America – Agnès Troublé a de tout temps été sensible à l’écologie mais son intérêt s’est encore amplifié quand son fils Etienne Bourgois a acquis, voici treize ans, le bateau de Peter Blake, conçu à l’origine pour les missions arctiques de Jean-Louis Etienne. Ce bateau, Agnès Troublé et son fils ont voulu dès le départ le dédier à des missions scientifiques. Une première effectuera la première dérive polaire complète et mesurera la fonte des glaces. Depuis, Tara, qui s’est transformé en fondation, a fait plusieurs autres missions. Après avoir étudié les méfaits des rejets des sacs en plastique dans la Méditerranée, une septième mission est en préparation. Destination, le Pacifique. Objet, un travail sur les coraux, leur blanchiment et la disparition des barrières coralliennes. Aujourd’hui, l’essentiel de l’engagement du fonds de dotation agnès b. en faveur de l’environnement est destiné à soutenir l’action de la fondation Tara. Ce n’est pas le seul mais c’est le plus important ; le plus visible. « Celui auquel nous consacrons le plus d’énergie » commente Sébastien Ruiz.
Fertiliser les compétences
Si le fonds de dotation agnès b. est l’un des principaux partenaires financiers de Tara, il n’intervient toutefois pas que financièrement et on touche là à une autre particularité du mécénat d’agnès.b. : la mise en réseau et la fertilisation croisée des compétences. « L’idée est de croiser nos trois axes d’intervention », explique Sébastien Ruiz. « En matière sociale, donne-t-il comme exemple, c’est un véritable apport de pouvoir injecter du culturel et de susciter des relations entre des artistes et des bénéficiaires ». Ainsi, Tara a toujours embarqué à son bord des artistes. En 2013 – 2014, lors de la mission Méditerranée, onze artistes se sont rendu pendant plusieurs semaines sur le bateau et à la suite de leurs résidences, leurs travaux ont été exposés à la galerie du jour, les responsables de l’espace apportant alors leurs propres compétences pour la réalisation de cette exposition. L’idée est aujourd’hui de structurer encore un peu plus ces résidences. Un appel à projets a été lancé pour la mission Pacifique qui embarquera à son tour six artistes1. « Etant au cœur d’un réseau très diversifié, nous sommes en capacité de faire se rencontrer des gens d’horizons très divers qui, sans nous, continueraient de s’ignorer », commente Sébastien Ruiz qui compte beaucoup sur cette fertilité croisée pour faire avancer les choses. Et de citer un autre exemple, celui d’ateliers d’écriture qui ont pu voir le jour grâce à la relation qu’entretient le fonds de dotation agnès b. avec la Maison de la poésie.
L’inspiratrice
Au cœur du mécénat culturel d’agnès.b, se trouve une structure peu courante, la galerie du jour, créée il y a trente deux ans, qui tient à la fois de la galerie traditionnelle et du centre d’art. Si, comme d’autres galeries, la galerie du jour, défend différents artistes, elle fait aussi beaucoup plus que cela en soutenant des créateurs qu’elle n’exposera pas forcément sur ses propres cimaises. « La vocation du fonds de dotation, explique Sébastien Ruiz, est d’encourager la création et de l’accompagner, ce qui peut tout autant aboutir à une exposition chez nous ou dans un festival qu’à un livre … ou aux deux ». « Nous nous inscrivons résolument dans une véritable co-construction avec de jeunes artistes qui ont souvent besoin d’une sorte de post-formation », poursuit-il avant d’ajouter :. « c’est surtout au début du processus créatif que nous pouvons être le plus utile car c’est alors que nous pouvons faire profiter le créateur de notre réseau et de nos compétences ».
Cette démarche est au demeurant parallèle et complémentaire à celle d’Agnès Troublé pour qui découvrir de nouveaux talents, des belles choses et les faire partager est une seconde nature. Voyageant énormément, visitant beaucoup d’expositions, elle vit en permanence entourée d’artistes. Pour aider et accompagner de jeunes créateurs, elle a accepté la présidence du fonds de dotation de l’école de photographie d’Arles et celle des Amis des Beaux-Arts de Paris où elle décerne tous les ans un prix à un jeune étudiant sortant de l’école. Ainsi nourrie, Agnès Troublé aborde et expose dans la galerie qu’elle a installée en 1997 dans les anciens locaux de son mentor Jean Fournier, des sujets et des artistes qui n’ont pas encore trouvé de place ailleurs. Tel fut le cas pour le graffiti au milieu des années 80. Et celui de photographes comme Martin Parr ou Nan Goldin qui ont démarré à Paris rue Quincampoix.
En allant infatigablement de l’avant et en découvrant sans cesse de nouveaux talents, Agnès Troublé a constitué une collection qui dépasse aujourd’hui les 3 000 pièces. Une prochaine étape sera-t-elle de les rassembler et de les présenter dans un lieu unique qui serait en même temps un lieu de diffusion culturelle, une galerie d’art traditionnelle et un endroit où pourraient être réunies toutes les équipes ?
Ce serait sans doute un point d’aboutissement qui parachèverait parfaitement tous ses engagements.
1 – Nicolas Floc’h, Christian Caillaux, Maarten Stok, Noémie Sauve, Enrique Ramirez, Ohkojima Maki
Yves Le Goff
(article paru dans le Le Mag n°16 d’Admical)
La collection agnès b. à la Porte Dorée
Du 18 octobre 2016 au 8 janvier 2017, la collection agnès b. investit le musée national de l’Histoire de l’Immigration pour un dialogue avec les œuvres contemporaines du musée. C’est la première fois qu’agnès b. choisit de montrer à Paris une sélection d’œuvres — photographies, installations, peintures, vidéos — issue de la collection d’art contemporain qu’elle a constituée au fil des années. Elle a confié à Sam Stourdzé, directeur des Rencontres d’Arles, le soin de choisir les œuvres exposées.