Installé au cœur de la ville, Jardin François 1er, en haut de la Rue Nationale, quasiment sur les bords de Loire, le Centre de Création Contemporaine Olivier Debré est tout sauf un musée même si sa vocation est aussi de (re)valoriser l’œuvre du peintre disparu en 1999. Un équipement culturel complet. Avec son centre se recherche.
Trente ans ! Alain Julien-Lafférière aura persévéré pendant tout ce temps pour que se finalise le 10 mars 2017, avec l’inauguration officielle du Centre de Création Contemporaine Olivier Debré par le Président de la République, un projet qu’il a conçu dès 1977. Cette année-là, est créée Tours Multiples, une manifestation annuelle répondant au besoin de décentraliser la création contemporaine et sa diffusion. La manifestation évoluera au fil des ans et prendra notamment la forme, en 1984, d’un premier centre culturel établi dans le quartier de la gare. Aujourd’hui, ce premier centre de création contemporaine est devenu le Centre de Création Contemporaine Olivier Debré, implanté sur un terrain autrefois occupé par l’école des beaux-arts de la ville.
Depuis 2008, le CCC OD est dépositaire d’une donation d’Olivier Debré, constituée de cinq grandes huiles sur toile de 4 x 9 m et de 150 dessins. Avec les 140 tableaux prêtés au centre, ces œuvres témoignent de l’importance d’Olivier Debré a toujours manifesté un attachement particulier à la Loire et qui fut profondément inspiré par la Touraine et ses paysages ligériens. C’est sur ces liens qu’au demeurant Alain Julien-Lafférière, directeur du CCC OD, veut établir des passerelles entre la création d’hier et celle d’aujourd’hui et asseoir la spécificité d’une institution qu’il a conçue comme un équipement culturel complet, doté notamment d’un centre de recherche.
Les 4 500 m2 de l’imposant bâtiment dont la réalisation a été confiée à l’agence portugaise des frères Francisco et Manuel Aires Mateus, sont divisés en trois parties principales : la Nef dédiée à la présentation d’oeuvres monumentales, visibles depuis l’extérieur grâce à ses larges surfaces vitrées ; la Galerie blanche, white cube idéal pour exposer des oeuvres picturales ; enfin la Galerie noire toute destinée aux œuvres vidéos, à l’art numérique et multimédia…
Alain Julien-Lafférière a habilement utilisé ces trois espaces pour concevoir la programmation inaugurale du CCC OD. A partir d’une œuvre exceptionnelle de la donation Debré, c’est une invitation au voyage qu’il propose au visiteur dans la Galerie blanche ainsi que la découverte d’une facette peu connue de l’artiste qui s’est rendu en Norvège à de multiples reprises entre 1966 et 1998 et y a peint des toiles jusqu’alors peu diffusées en France. Dans la Nef, part généreuse du CCC OD de par sa visibilité permanente, le public est invité à vivre un voyage vertigineux dans une installation de Per Barclay mise en relation avec une peinture d’Olivier Debré qui fut à l’origine de sa vocation artistique. En écho à sa mission prospective, le CCC OD réserve sa Galerie noire à une jeune génération d’artistes actifs depuis les années 2000 sur la scène norvégienne. Enfin, pour clore ce voyage, une œuvre sonore d’A K Dolven, réalisée avec des habitantes de la ville de Tours il y a cinq ans, a été réactivée sur le parvis du centre.
Lieu vivant ouvert sur le monde de la création artistique contemporaine, le CCC OD figure parmi les grands projets culturels nationaux et a bénéficié à ce titre des soutiens de l’Europe, du ministère de la Culture et de la communication ainsi que de l’ensemble des acteurs locaux parmi lesquels Mécénat Touraine Entreprises, association de quarante entreprises tourangelles créée en 1996 en partenariat avec la CCI de Touraine.
Photo d’ouverture: @bfougeirol, 2016
D’Oliver Debré à Per Barclay
Pour l’ouverture du CCC OD, Per Barclay (né à Oslo en 1955) a réalisé dans la Nef du centre d’art l’une de ses plus grandes Chambres d’huile jamais présentées dans un contexte d’exposition. De fait, ses installations de ce type sont le plus souvent conçues comme des dispositifs de prise de vue uniquement destinés à engendrer des images photographiques.
Per Barclay réalise des Chambres d’huile depuis 1989. On en compte aujourd’hui une quarantaine, toujours réalisées selon le même principe : l’artiste répand sur le sol d’un espace clos un liquide qui est le plus souvent un mélange d’huiles noires*. La surface réfléchissante crée un grand miroir qui transforme, magnifie et révèle le lieu tout en le rendant inaccessible. Puis Per Barclay photographie l’installation selon de points de vue particuliers, ces images constituant l’œuvre en tant que telle.
Dans le reflet de la Chambre d’huile, tous les repères basculent. Le lieu se renverse, le sol s’ouvre sur un vide vertigineux. S’impose un espace de fiction où se projette l’imaginaire. Noire, l’huile évoque de sombres eaux dormantes, tel un Styx aux profondeurs insondables.
A Tours, Per Barclay double son installation d’une production vidéo, inédite pour lui. La Chambre d’huile et les reflets des visiteurs sont filmés en permanence et leur image diffusée en temps réel sur un écran. Le regardeur est intégré à l’œuvre …
Cet écran n’est pas le seul ajout inhabituel à l’installation traditionnelle de Per Barclay. Le petit tableau d’Olivier Debré qu’il découvrit dans les années 1970 chez une amie galeriste, et qui devait décider de sa vocation d’artiste, est aussi accroché dans la Nef. Réunis dans le même lieu, ce tableau et la Chambre d’huile témoignent de la circulation invisible des influences, des émotions et des convergences esthétiques.
*20 000 litres ont été nécessaires pour l’installation réalisée au CCC OD. Per Barclay utilise parfois d’autres liquides : eau, vin, lait, sang, …
La Norvège, une inspiratrice méconnue …
Olivier Debré n’est pas le seul peintre français à s’être rendu en Norvège et à y avoir peint des toiles qui demeurent peu connues. Avant lui, Claude Monet s’est embarqué pour un voyage qui devait le conduire à Sandviken durant l’hiver 1895. C’est là qu’il plantera son chevalet dans la neige, « désespérant de saisir les singularités de la lumière nordique sur le fjord et sur le mont Kolsaas » (Marianne Alphant, Claude Monet en Norvège, Hazan). Vingt-sept toiles témoignent des deux mois que Monet passa là. Des toiles qui resteront presque inconnues de son vivant …